Le défi 3 vise à développer l’eau comme sentinelle de la santé de l’environnement et des sociétés humaines le long du continuum terre-mer en développant de nouvelles approches et méthodes basées sur les données existantes et les nouvelles données à acquérir pour construire des indicateurs pertinents.

Les co-facilitateurs

Hélène Budzinski
Hélène Budzinski
Directrice de recherche CNRS, Chimie analytique et chimie de l'environnement © Leïla Ramjan

Présentation

Le changement de paradigme actuel des conditions stationnaires aux conditions non stationnaires des systèmes environnementaux - largement attribué au changement global - pose des défis sans précédent pour la gestion durable des ressources en eau.

Les actions visant à atteindre les objectifs de développement durable à long terme et à assurer la sécurité hydrique et alimentaire sont entravées par : (i) les incertitudes dues au changement climatique qui aggravent le caractère « pernicieux » des problèmes environnementaux ; et (ii) une faible protection juridique (par exemple, la Directive-Cadre sur l'Eau de l'UE (WFD), la Clean Water Act des États-Unis). En effet, la protection juridique de l'eau repose intrinsèquement sur l'obligation de respecter des seuils qualitatifs et quantitatifs d'eau.

Il est pourtant tout aussi important de considérer l'eau comme un écosystème et d'assurer sa qualité pour soutenir le développement des organismes aquatiques et l'éco-santé. Nous devons passer d’une approche purement réglementaire (avec des seuils à ne pas dépasser) à une perspective s’articulant également sur de nouveaux indicateurs et définis à des échelles spatio-temporelles pertinentes par la recherche. Cela passe entre autres par l’intégration du fonctionnement des socio-écosystèmes, de la temporalité de leurs réponses aux changements, et de leurs trajectoires, en tenant compte du paradigme multi-contraintes (biotique/abiotique, pollution/perturbations).

Ainsi, les données réglementaires acquises dans une approche de santé environnementale pourraient être transformées en informations permettant de quantifier les impacts des activités humaines sur le fonctionnement et l'évolution des socio-écosystèmes. Par exemple, il est nécessaire de quantifier les effets cumulés de l'utilisation des fertilisants et pesticides sur les socio-hydrosystèmes, mais aussi de prévenir les risques sanitaires pour l'environnement (eutrophisation, effet des perturbateurs endocriniens, extinction d'espèces par exemple) et les humains (propagation de virus, contamination chimique, troubles de la reproduction, effets cancérigènes…).

Deux grands enjeux de recherche sont ciblés par ce défi :

1. Quels sont les temps de réponse des écosystèmes aux contraintes anthropiques  et climatiques ?

Les échelles temporelles de résidence de l'eau et des éléments associés dans les différents compartiments des socio-hydrosystèmes sont extrêmement variables, et souvent mal connues, a fortiori dans un contexte d’évolution rapide des pluviosités et de pression anthropique forte et croissante. Il est donc nécessaire de déterminer comment l’eau se distribue aux différents niveaux d’organisation des socio-écosystèmes et comment ces volumes évoluent dans l’espace et le temps. Étant donné que la plupart des modèles écologiques changent avec l'étendue spatio-temporelle et la granularité de l'observation, une compréhension de la structure de la variance spatiale/temporelle est nécessaire pour mettre à l'échelle les prévisions ou mettre en œuvre des interventions efficaces dans les mosaïques écologiques dynamiques. Pourtant, la surveillance actuelle de l'eau en France, en Europe et dans le monde ignore encore certains aspects des hydrosystèmes : les réseaux hydrographiques de têtes de bassins, les interactions entre le cours d’eau, sa plaine alluviale et les différentes nappes en interaction, les conséquences des petits réservoirs sur la ressource en eau, la quantification des tronçons intermittents notamment. Ces aspects doivent être appréhendés pour comprendre comment l'occupation et l'utilisation des sols interagissent les volumes d’eau et leur variation dans les différents compartiments.

2. Quels sont les impacts cumulés des pollutions physiques, chimiques et biologiques sur la santé de l'hydrosystème (au sens One Health), son fonctionnement et la biodiversité ?

Il est nécessaire de repenser l'approche actuelle du système de surveillance isolé à la station et utilisant l'analyse monocritère et en silo (par exemple, centrée sur la substance, prise en compte séparée des états chimiques, écologiques, etc.), vers une approche éco-épidémiologique, basée sur des "échelles imbriquées " (biologiques, spatiales et temporelles) et les « effets cocktails », et vers une approche prédictive (aide à la décision pour les scénarios de gestion, restauration/aménagement). L'enjeu est de considérer les multiples sources de contamination, majoritairement liées aux activités anthropiques, le long du continuum terre-mer dans tous les compartiments. Une nouvelle approche basée sur une combinaison du développement d'analyses passives, actives et non ciblées pourrait circonscrire le problème des faibles concentrations, permettant une meilleure évaluation de la qualité réelle de l'eau. L'héritage historique des polluants dans les différents compartiments de l'hydrosystème devra également être considéré par des approches paléoenvironnementales, par exemple.

L’objectif est in fine de proposer des outils de gestion durable réalistes qui ne découragent pas les acteurs.

Visuel de présentation du Défi 3 - Eau Sentinelle

Défi 3 - Eau Sentinelle

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